Last update : 04 nov. 2024
En ces moments sombres de l'histoire où les droits fondamentaux sont bafoués sans complexe aux yeux du monde, je vous adresse ces quelques mots respectueux pour réaffirmer la prééminence du droit dans une société démocratique.
J'aborde un sujet sensible dont la parole est pourtant nécessaire.
Il remet également en question la place centrale du droit dans notre société.
Face à un génocide qui se profile, le silence et la neutralité sont compréhensibles, mais contribuent également au problème.
Ce conflit ne date pas d'hier.
Le premier congrès sioniste s’est tenu à Bâle, en Suisse en 1897. Il vise à établir une patrie en Palestine pour le peuple juif. Nationaliste, le projet politique sioniste fut aussi en même temps d’emblée colonialiste, comme en Afrique du Sud où existèrent aussi des thématiques relativement comparables de création nationale fondées elles aussi sur une mythologie messianique de peuple élu.
Dès 1937, David Ben Gourion, futur premier ministre d’Israël, expliquait : « Après la formation d’une armée importante dans le cadre de l’établissement de l’État, nous abolirons la partition et nous nous étendrons à l’ensemble de la Palestine. »
Source : Le monde diplomatique - Palestine. Un peuple, une colonisation : https://www.monde-diplomatique.fr/mav/157/A/58325#:~:text=D%C3%A8s%201937%2C%20David%20Ben%20Gourion,Pantheon%2C%20New%20York%2C%201988.
Un plan de partage de la Palestine a été voté par l'ONU en 1947. Ce plan définissait la création de deux États : un État juif sur 57,47 % du territoire avec 498 000 habitants juifs et 325 000 habitants arabes, et un État palestinien sur 43,53 % du territoire avec 807 000 habitants arabes et 10 000 habitants juifs.
Un simple calcul permet de constater que le plan de partage a été inégal puisque les natifs juifs et la vague d'immigration juive détiennent 57,47% du territoire alors qu'ils ne représentent ensemble que 31% de la population.
L'historien israélien Ilan Pappe rappelle que le plan Daleth a été adopté le 10 mars 1948 sous l’impulsion de Ben Gourion : « un plan global d’expulsion de tous les villages de la Palestine rurale ».
La première guerre israélo-arabe débute le 14 mai 1948. Celle-ci sera donc consécutive au nettoyage ethnique commencé deux mois plus tôt.
À l’issue de la guerre israélo-arabe de 1948-1949, les Israéliens ont conquis 6 000 km² de territoire palestinien supplémentaires par rapport à la superficie de l’État attribué aux Juifs lors du plan de partage de l’ONU.
La résolution de décembre 1948 qui prévoyait le droit au retour des réfugiés – ou leur indemnisation s’ils décidaient de ne pas revenir – est également restée lettre morte.
La colonisation ne s’est jamais arrêtée comme le prouvent les chiffres où l'on est passé en Cisjordanie et à Jérusalem-Est de 115.000 colons en 1993 à plus de 700.000 en 2023.
Source : Nations Unies - Droits de l’homme : https://www.ohchr.org/fr/news/2023/03/human-rights-council-hears-current-israeli-plan-double-settler-population-occupied
En 2015, la communauté internationale s’était émue du sort réservé à une famille palestinienne du village de Duma, qui avait vu trois de leurs membres (dont un bébé de 18 mois) périr dans l’incendie de leur maison perpétré par des colons.
Ces incidents ont des impacts directs sur la santé et la vie quotidienne des Palestiniens : troubles psychologiques, augmentation du stress engendré par cette violence, régression des progrès scolaires pour les enfants et adolescents palestiniens, altération du fonctionnement quotidien.
Pourtant l’impunité est reine : 93,4% des enquêtes concernant des dommages causés aux oliviers ont été abandonnées par la police israélienne.
Source : Libération – Palestine : violences quotidiennes de la colonisation : https://www.liberation.fr/debats/2019/06/22/palestine-violences-quotidiennes-de-la-colonisation_1735398/
Il s'agit d'un secret de polichinelle que de rappeler que cela fait des décennies qu'Israël bafoue le droit international en transgressant des centaines de résolutions de l'ONU.
Source : Le monde diplomatique - Résolutions de l’ONU non respectée par Israël : https://www.monde-diplomatique.fr/2009/02/A/16775
Le double standard de l'Occident est flagrant. Quant la Russie annexe la Crimée, on fait des sanctions. Quant Israël annexe Jérusalem-Est, il n'y a pas de sanction. La ficelle est un peu grosse.
Deux peuples se disputent une même terre, cependant il ne faut pas oublier le contexte depuis toujours selon lequel il s'agit toujours du même camp qui vole la terre de l'autre.
Source : Persee - La notion de « colonisation » dans l’idéologie et la pratique sioniste : https://www.persee.fr/doc/camed_0395-9317_1984_num_29_1_972#:~:text=IV.-,%C2%AB%20Il%20n'y%20a%20que%20tr%C3%A8s%20peu%20d'endroits,les%20habitants%20%C2%BB%20(Ben%20Gurion)
« Une violence ne commence pas lorsqu'une personne violée gifle son agresseur. »
Le bilan humain du conflit rélève un décalage du rapport de force puisqu'entre 2008 et 2020, il y a eu 5590 victimes palestiniennes contre 251 israéliennes.
Source : Statista - Le bilan humain du conflit israélo-palestinien : https://fr.statista.com/infographie/24851/bilan-humain-conflit-israelo-palestinien-nombre-de-morts-et-de-blesses/
Source : Youtube - Si le Hamas est une organisation terroriste, alors Israël est un État terroriste : https://m.youtube.com/watch?v=_M0PwADMSs0
Les roquettes tirées par le Hamas rappellent l'insoumission d'une population. Aucune comparaison intellectuellement honnête ne peut être faite avec les attentats du Bataclan.
Il n'y a pas un camp du bien absolu contre celui du mal absolu, mais reconnaissons que la responsabilité maximale incombe à la puissance occupante qui détient le rapport de force écrasant en sa faveur et qui impose les règles du jeu depuis 75 ans.
Source : Amnesty international – Israël-Gaza, des preuves accablantes de crime de guerre : https://www.amnesty.be/infos/actualites/article/israel-gaza-preuves-accablantes-crimes-guerre#:~:text=Dans%20chacun%20des%20cas%2C%20les,objectifs%20civils%20et%20militaires%20%E2%80%94%20ou
Nous sommes arrivés aujourd'hui au bout d'une logique d'impunité qui trouve son apogée dans les massacres à huis clos des Palestiniens dans la bande de Gaza.
Source : Le devoir – Assistons-nous en direct au génocide du peuple palestinien ? : https://www.ledevoir.com/monde/moyen-orient/801256/proche-orient-assistons-nous-direct-genocide-peuple-palestinien
Source : CNCD 11.11.11 – Gaza : Le droit international comme seule boussole : https://www.cncd.be/gaza-le-droit-international-comme-seule-boussole
Sous des prétextes de sécurité, le territoire des Palestiniens s'est réduit année après année à peau de chagrin, rendant de facto tout espoir de paix et de vie impossible.
De nombreuses techniques de propagande ont été utilisées pour éviter de voir en face les causes qui provoquent toujours les mêmes conséquences.
Si personne ne conteste des crimes de guerre dans chaque camp, notamment ceux du 7 octobre, nous avons tous été témoins de contre-vérités comme celles d'i24 news évoquant des bébés décapités.
L'information a été démentie par la suite mais le public non averti continue de propager cette fausse information.
Source : L’affaire des bébés décapités : un air de déjà vu en termes de forfaiture : https://blogs.mediapart.fr/semcheddine/blog/221023/l-affaire-des-bebes-decapites-un-air-de-deja-vu-en-terme-de-forfaiture
Il est important de varier et croiser ses sources.
Restons très prudents vis-à-vis des médias et de la propagande de guerre. N'oublions pas que dans chaque camp de toutes les guerres, la première victime c'est la vérité.
Source : Libération - CheckNews : https://www.liberation.fr/checknews/les-bebes-de-kfar-aza-au-coeur-dune-guerre-de-communication-entre-le-hamas-et-israel-20231012_A3KNCUHB3VB4FPGCH4KX3WRGSQ/
Toute sorte d'écrans de fumée ont été utilisés depuis des décennies pour nous empêcher de réagir face à l'annexion illégale des territoires palestiniens, que ce soit le prétexte du conflit de civilisation, de la prétendue « seule démocratie du Moyen Orient » en passant par l'accusation infondée, systématique et inévitable d'antisémitisme.
Ladite politique de statu quo en faveur d'Israël s'est traduite par la continuité de la colonisation en toute impunité ainsi que 16 ans de siège sur Gaza.
Les médias ne se sont pas autant émus envers les centaines de Palestiniens tués cette année en Cisjordanie par des colons fanatisés protégés par l'armée israélienne, que par les otages détenus par le Hamas.
Rappelons qu'Israël détient 10x plus de prisonniers dans ses prisons dont nombreux sont détenus sans procès.
Source : Franceinfo – Quatre questions sur la situation des prisonniers palestiniens en Israël, dont le Hamas réclame la libération : https://www.francetvinfo.fr/monde/proche-orient/israel-palestine/quatre-questions-sur-la-situation-des-prisonniers-palestiniens-en-israel-dont-le-hamas-reclame-la-liberation_6151962.html
Il est très curieux qu'il y ait une différence de considération humaine dans le langage médiatique, entre les otages retenus par le Hamas et les civils palestiniens bombardés à merci.
Une préoccupation est accordée aux otages contrairement aux civils palestiniens dont la vie ne vaut rien. C'est la réalité quotidienne de cette pseudo démocratie d'extrême droite israélienne.
Tant la durée du conflit, l'impunité du dominant, la violence du dominé, le laisser faire de la communauté internationale ont atteint des sommets, jusqu'à devenir une question incontournable de la crédibilité du droit international.
Enough is enough.
Certes le Hamas est un groupe de résistance qui utilise des méthodes terroristes parfaitement condamnables qu'il faudra un jour juger, mais on voit mal comment les Gazaouis, enfermés dans la plus grande prison à ciel ouvert du monde, pourraient se sortir pacifiquement de leur misère transmise de génération en génération, si nous n’agissons pas au moyen d’une protestation massive et mondiale qui poussera les gouvernements occidentaux à revoir leur soutien à Israël.
Pour être très clair, rappelons qu’il faut tout autant condamner l’antisémitisme ET tous les crimes de guerre ET les crimes contre l’humanité.
Source : ULB - Conflit israélo-palestinien : ce que dit le droit : https://actus.ulb.be/fr/actus/recherche/conflit-israelo-palestinien-ce-que-dit-le-droit
S'il est encore prématuré de parler avec certitude de génocide, souvent ce n'est malheureusement que quand le mal est fait qu’on peut le voir.
Source : AA – ONU : Des experts en droits de l’homme avertissent qu’Israël commettrait des crimes contre l’humanité à Gaza https://www.aa.com.tr/fr/monde/onu-des-experts-en-droits-de-lhomme-avertissent-quisra%C3%ABl-commettrait-des-crimes-contre-lhumanit%C3%A9-gaza/3027878
Aujourd'hui la prise de position de certains dirigeants européens est particulièrement inquiétante du point de vue du droit.
Que veulent dire nos gouvernements en soutenant le droit d'Israël de se défendre ?
S'agit-il de soutenir un État bafouant le droit international depuis des décennies qui applique la continuité de son programme d'annexion des territoires palestiniens ?
S'agit-il de légitimer la loi du plus fort ?
S'agit-il de cautionner les bombardements aériens dans la plus grande prison à ciel ouvert tels que pratiqués en 2008, 2012, 2014, 2021... dits « légitimes » qui ont fait plus de victimes parmi la population civile palestinienne avant le 7 octobre, que les actes dits « barbares » du 7 octobre 2023 ?
Source : Europe 1 – Gaza : « Bordure protectrice » a fait plus de morts que l’opération « Plomb durci » : https://www.europe1.fr/international/Gaza-Bordure-protectrice-a-fait-plus-de-morts-que-l-operation-Plomb-durci-785988
La vengeance israélienne était prévisible et l’Occident porte une lourde responsabilité dans sa prise de position.
La bande de Gaza possède l'une des densités de population les plus élevées au monde (5612 hab/km²). Après un tapis de bombes, 40% de l'ensemble des bâtiments ont été détruits ce qui s'apparente de facto, à un nettoyage ethnique.
Pas d'eau, pas de gaz, pas d'électricité, affirmait le ministre de la Défense israélien Yoav Gallant. Les multiples déclarations officielles du gouvernement israélien tendent à caractériser l'intention de génocide jusqu'à ce que l'un d'entre eux, démocratiquement élu, évoque carrément l'utilisation de la bombe atomique lâchée sur Gaza.
Après un mois de bombardements soutenus, il ne peut plus être question de simple défense, surtout lorsqu'on utilise des bombes au phosphore sur des populations civiles.
Près de 500 camions arrivaient chaque jour pour ravitailler les 2,3 millions d'habitants de la bande de Gaza alors qu'ils n'ont plus été qu'une vingtaine par jour pendant trois semaines pour assurer le ravitaillement.
Le Secrétaire général de l'ONU a réitéré le principe de la protection des civils pendant les conflits armés. Cela interdit de les utiliser comme boucliers humains et d’ordonner « à plus d’un million de personnes d’évacuer le sud, où il n’y a pas d’abri, pas de nourriture, pas d’eau, pas de médicaments et pas de carburant, puis de continuer à bombarder le sud lui-même ».
Source : Nations Unies – A Gaza, le système humanitaire « confronté à un effondrement total », prévient Guterres : https://news.un.org/fr/story/2023/10/1140072
Touché humainement par la misère, j'ai été choqué et je me suis senti obligé de réagir.
En parcourant la manifestation de Bruxelles le 22 octobre en soutien à la cause palestinienne, j'ai lu le désarroi mais également l'espoir dans les yeux des personnes que j'ai croisées.
Beaucoup m'ont demandé si j'étais avocat. Je leur ai répondu que j'étais présent à titre personnel et symbolique. Dans ce brouhaha médiatique, il m'a paru essentiel de porter la voix de la justice, laquelle semble beaucoup trop timide dans ce conflit.
La nature a horreur du vide !
Face à un génocide potentiellement en cours, chacun a le droit de garder le silence mais tout ce qui ne sera pas dit pourra être retenu contre nous.
Combien de « 7 octobre » les Palestiniens ont-ils déjà subi dans l'indifférence générale ?
Il y a un manque coupable de responsabilité dans les déclarations des dirigeants européens qui affirment que : « Israël a le droit de se défendre contre cette barbarie, a le droit de faire en sorte que le Hamas ne puisse plus commettre de tels actes de terreur.»
Dit-on à un criminel multirécidiviste fou furieux prêt à dégainer son arme comme Netanyahou, qu'il a le droit de se défendre ?
Connaissant le passé criminel et l'idéologie d'extrême droite israélienne, il ne peut s'agir que d'une incitation tacite à l'accomplissement de crimes de guerre.
Cherchez à savoir pourquoi les partis de droite européens soutiennent les partis d’extrême droite israéliens. Ne partagent-ils pas la même idéologie ?
Le premier ministre belge rappelait encore : « Mais ce droit ne peut pas être utilisé pour se venger. Cela ne peut jamais être un permis pour tuer des civils ».
Il nous reste à constater qu'Israël n'a pas suivi le vœu pieux et naïf de ce premier ministre.
Ce qui caractérise aujourd'hui les soldats israéliens, les colons et le gouvernement israélien c'est l'impunité, or le principe d'impunité est absolument contraire à l'état de droit. Le soutien européen au « droit de se défendre » est une menace pour notre démocratie en ce sens que la validité des crimes sous-jacents viole le sens même de la justice.
Il y a peu, les médias mainstream posaient toujours la même question : « Qui a annexé l’Ukraine ? ». Comme par hasard ces mêmes médias ne posent plus la question similaire « Qui a annexé la Palestine ? ».
Je ne serai pas complice en n'osant pas exprimer mon indignation par peur de l'étiquette d'antisémitisme ou par manque d'audace.
Si la non-assistance à personne en danger est condamnable, l'absence de mesures adéquates face à des crimes de guerre, voire des crimes contre l'humanité, voire un potentiel génocide, l'est sans conteste.
Pour toutes les raisons précitées et pour tout les éléments qui composent la plainte pour crime de génocide adressée ce jeudi 9/11/2023 à la Cour Pénale Internationale par un collectif d’avocats et d’associations, je condamne sans la moindre hésitation l’État d’Israël et je vous invite à faire de même.
Le droit est un langage universel, et la justice est l’œuvre de tous.
Dominique Mannens
Citoyen ayant foi dans la résurrection de la justice en Palestine.
N’hésitez pas à faire part de vos observations et idées pour la suite, à l’adresse suivante : info@avoscatas.be
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